Les Centres d’accès à la technologie au Canada : prospérer dans une économie mondiale en évolution
David Berthiaume, Directeur général – Kemitek, Cégep de Thetford et Président ex-officio de Tech-Accès Canada
Nathalie Méthot, Directrice Recherche et innovation – Collège La Cité et Présidente de Tech-Accès Canad
Ken Doyle, Directeur général, Tech-Accès Canada
1 Introduction.
2 Le modèle proposé.
3 Financement
4 Évaluation de la performance.
5 Les retombées pour le Canada.
6 Recommandations.
7 Bibliographie.
8 Annexe 1.
1 Introduction
À l’heure où le Canada a amorcé une réflexion approfondie sur sa politique d’innovation afin de redresser sa piètre performance en la matière, le moment est propice pour reformuler une vision d’avenir pour les Centres d’accès à la technologie canadiens (CAT). Selon le rapport de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur l’indice global de l’innovation[1], le Canada se situe au 15e rang, derrière la Suisse, la Suède, les Pays-Bas, la Finlande et le Danemark, notamment. C’est ce contexte qui nous motive profondément à proposer une vision renouvelée des Centres d’accès à la technologie canadiens. Les CAT existent depuis 10 ans; leur pertinence et leur réussite a été démontrée mais leur futur est incertain. Le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie (CRSNG), l’instigateur du modèle au niveau fédéral, a fait preuve d’une vision ambitieuse et porteuse en créant ces centres de recherche appliquée collégiaux mis au service de leur industrie et communauté locale. Cependant, nous peinons aujourd’hui à réunir les fonds nécessaires pour assurer la croissance du modèle et assurer son déploiement efficace partout au Canada dans tous les créneaux stratégiques.
Nous sommes d’avis que le moment est opportun de proposer une vision et des moyens pouvant assurer la croissance et la pérennité des CAT. Pour cela, il importe de se pencher sur ce qu’est un CAT performant : le modèle, sa mission et ses valeurs, son opération, son financement et ses mesures d’impacts, le tout visant à s’assurer que les investissements passés, actuels et futurs continueront de porter fruits de façon durable en aidant le Canada à mieux performer en matière d’innovation.
2 Le modèle proposé
Le modèle des CAT, mis sur pied il a 10 ans et basé sur le modèle reconnu des Centres collégiaux de transfert de technologies (CCTT) du Québec, bien qu’encore très pertinent, mériterait d’être revu et bonifié. L’action des CAT, tel qu’ils sont définis dans leur forme actuelle, se concentre principalement sur la recherche appliquée technologique et le développement économique. Cependant, l’innovation et la recherche appliquée impliquent également des enjeux sociaux. L’innovation sociale vise l’amélioration de la qualité de vie par des pratiques sociales novatrices utiles au développement de la société. L’innovation avec un grand « I » se doit d’être inclusive, en favorisant des réponses multidisciplinaires aux défis exprimés par la communauté. De là l’importance d’avoir une approche large et systémique, comprenant aussi l’innovation sociale. D’ailleurs, on compte à ce jour plusieurs centres de recherche collégiaux qui se concentrent à répondre aux défis dans des domaines d’innovation sociale, tel le développement durable, la gérontologie ou l’intégration des immigrants.
Aussi, le modèle actuel ne permet pas d’établir des priorités nationales en matière de secteurs de l’économie ou de domaines en émergence à privilégier lors de la création de nouveaux CAT (appels dirigés). Les 60 CAT qui existent à l’heure actuelle ont tous été proposés par les collèges hôtes en fonction des priorités locales et des forces du collège. Bien que ces centres répondent sans contredit aux besoins de leurs partenaires du secteur privé, il est à se demander si nous ne devrions pas considérer la création de CAT, ou de regroupement de CAT, dans des thèmes prioritaires gouvernementaux, comme l’urgence climatique, l’énergie, les technologies émergentes, l’accès aux soins de santé et la réconciliation avec les peuples autochtones. Il faut aussi se questionner sur la complémentarité des CAT au niveau régional et orienter les développements futurs pour assurer la couverture des secteurs industriels importants pour le Canada. À noter de plus que certains centres sont constitués pour servir des industries déjà bien établies tandis que d’autres le sont pour agir comme défricheurs dans un secteur de l’économie émergent. Les deux modèles sont utiles et doivent pouvoir co-exister.
En outre, les CAT doivent être en mesure de répondre de façon continue et pérenne aux priorités gouvernementales (tant régionales que nationales) et de l’industrie. Cette capacité d’adaptation à court terme a été démontrée de façon claire par la réponse des collèges et des CAT aux défis de la pandémie de COVID-19. En effet, un nombre élevé de demandes de fonds ont été déposées dans le cadre d’occasions de financement exceptionnel du CRSNG et de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI). Plusieurs entreprises privées et équipes de recherche appliquée des collèges se sont rapidement réorientées pour apporter des solutions concrètes comme la production de protéines de surface pour la production de vaccins, la production de gel désinfectant ou de l’équipement de protection individuel. Cela dit, l’enjeu fondamental est d’assurer une pérennité et une perspective de développement à long terme qui permettront aux CAT de réorienter leur action stratégique de façon continue et d’ajuster leur offre en fonction des besoins changeants des gouvernements et des industries qu’ils desservent.
Vision et mission
Dans la perspective de faire évoluer la mission des CAT, nous proposons que ceux-ci puissent soutenir le développement tant technologique que social au sein des entreprises, des organismes communautaires et des gouvernementaux canadiens. Cet élargissement proposé de la nature des services (technologique et social) et des bénéficiaires (privé, OBNL et gouvernemental) est aligné avec la tendance actuelle d’une approche systémique de l’innovation. Une invention technologique n’aura de succès que si celle-ci est intégrée dans un système cohérent qui inclus des facteurs humains incontournables (ex. gestion du changement, commercialisation, valeur perçue, etc.). Cette proposition d’élargissement de la mission est aussi en cohérence avec la refonte des subventions du programme Innovation dans les Collèges et la Communauté (ICC) du CRSNG, qui va dans le même sens. Desservant principalement leur communauté d’appartenance, il est entendu que les CAT collaborent aussi avec des partenaires situés partout au Canada et à l’étranger dans leur domaine d’expertise. Enfin, les CAT doivent assurer des retombées sur la formation de personnel hautement qualifié qui viendront enrichir le tissu socio-économique du pays.
Le Canada compte présentement 60 CAT dans un éventail de secteurs de l’économie. À cela s’ajoute un nombre important de centres de recherche collégiaux qui opèrent comme les CAT. L’impact sur l’écosystème d’innovation serait maximisé si ces initiatives de recherche rejoignaient le réseau des CAT. Dans un système structuré établi avec une vision de développement à long-terme, il est raisonnable d’envisager qu’un total de 100 centres répartis géographiquement permettrait au Canada de mieux se positionner en matière d’innovation et de développer une main d’œuvre compétente et engagée.
Valeurs
Les valeurs à la base des CAT sont :
- L’innovation: Dans une perspective d’amélioration continue faisant appel à la créativité et la pensée novatrice, nous sommes constamment à la recherche de nouvelles idées que nous réussissons à développer et à amener jusqu’aux milieux utilisateurs;
- L’excellence : Nous offrons les meilleurs services possibles à nos partenaires et leur livrons des projets de haute qualité;
- La collaboration : Nous travaillons avec nos partenaires pour maximiser les retombées pour les entreprises et le Canada;
- L’esprit d’entreprise : Nous saisissons les opportunités et sommes orientés vers l’action pour l’atteinte des résultats;
- L’objectivité : Nous offrons une perspective non biaisée, honnête et indépendante sur la valeur des technologies disponibles pour répondre aux besoins spécifiques de nos clients;
- L’équité, la diversité et l’inclusion: Nous favorisons le développement d’une culture inclusive qui respecte la différence. En plus de la diversité des caractéristiques individuelles des membres de notre communauté, nous prônons la reconnaissance de tous les savoirs, d’où qu’ils proviennent : université, collège, centre de recherche nationaux ou privés, grandes ou petites organisations. Tous ont de quoi contribuer.
Ressources matérielles et humaines
Le modèle de la recherche collégial et celui de la recherche universitaire diffèrent à plusieurs égards. Au collégial, les subventions sont octroyées au collège-hôte et non à des individus. Dans ce contexte, les CAT doivent développer une capacité en recherche appliquée répartie entre les membres d’une équipe. Le développement de cette expertise nécessite du temps, des ressources financières et de la prévisibilité.
L’équipe de recherche doit détenir une expertise technique pointue mais flexible, lui permettant de pivoter rapidement selon les besoins des clients et de pouvoir réaliser des projets variés dans divers créneaux. De plus, cette équipe doit être experte dans la conception de projets de recherche appliquée à partir d’une expression de besoins, et proposer une approche multidisciplinaire nécessitant parfois l’appel à un réseau de collaborateurs externes. Les membres de l’équipe doivent aussi avoir maitrisé l’art de la communication avec des intervenants du terrain, qui ont souvent développé leur propre vocabulaire et des façons de faire qui ne cadrent pas toujours avec l’approche académique. Les membres de l’équipe doivent dégager de la confiance tout en étant en mesure de bien expliquer et vulgariser la complexité des tenants et aboutissants de la recherche appliquée, et accompagner leur client dans le processus complexe du transfert d’une technologie en innovation, qui implique aussi des questions de financement et de marketing. Ces compétences uniques et particulières de la recherche collégiale doivent toutes converger afin d’assurer les meilleures retombées des projets pour le bien de l’industrie. Le développement d’un chercheur collégial pleinement opérationnel prend, au bas mot, de 2 à 3 années, voire plus.
L’équipe de recherche, pour être performante, doit être entourée de ressources qui viendront soutenir son action : du personnel technique (techniciens/professionnels/opérateurs/professeurs-chercheurs) pour la réalisation des projets, un développeur d’affaires pour le recrutement des clients, un responsable des communications pour la diffusion des connaissances et finalement des administrateurs/gestionnaires qui sont responsables de la gouvernance, d’établir la vision de développement et l’imputabilité auprès des clients et des bailleurs de fonds.
La recherche appliquée nécessite de plus des instruments et des espaces dédiés à la recherche appliquée qui sont disponibles et accessibles pour réaliser les travaux scientifiques requis pour lever l’incertitude technologique. Que ce soient des laboratoires, des équipements de pointe, des logiciels ou capacités de calcul, des espaces collaboratifs et d’échanges, l’accès aux données et à la littérature scientifique, ou de simples espaces administratifs, tous sont essentiels à la réalisation de la mission. Le Navigateur d’installations de recherche en ligne de la FCI présente 63 installations de recherche collégiales de pointe qui sont ouvertes aux collaborations avec l’industrie, les collèges, les universités et les gouvernements.
L’institut du véhicule innovant – Saint-Jérôme (Québec)
L’IVI est la référence en recherche appliquée et développement de technologies de véhicules diminuant l’empreinte écologique du transport. Cumulant plus de 25 ans d’expérience dans le développement de prototypes de véhicules électriques de toutes sortes, l’IVI est un accélérateur d’innovation qui aide l’industrie québécoise, canadienne et internationale à se positionner dans un marché en pleine croissance. Doté d’ateliers de fabrication et d’assemblage, de laboratoires à la fine pointe de la technologie et d’aires de dynamomètre adaptées aux véhicules légers et lourds, le centre a tout pour devenir un lieu d’innovation unique au Québec et au Canada. L’IVI travaille également à la recherche et au développement des systèmes de navigation et d’aide à la conduite pour les véhicules autonomes destinés notamment à l’industrie automobile, agricole et industrielle. |
Mode d’action
La raison d’être de la recherche appliquée au collégial est de favoriser l’innovation dans le secteur privé par le développement de technologies qui répondent aux demandes de l’industrie (approche market pull). Ce qui distinguent les CAT d’autres acteurs en innovation, c’est qu’ils ne revendiquent pas les droits de propriété intellectuelle ou une participation quant aux retombées des projets. Typiquement, les projets sont initiés rapidement, dès que les objectifs sont clairement définis et que le CAT dispose des ressources pour s’y engager. La valeur monétaire des projets et leur durée varie, mais sont généralement de courte ou moyenne durée. De plus, les entreprises renouvèlent généralement leur engagement avec les CAT sur plusieurs années.
Les CAT se positionnent dans le marché de l’innovation comme les partenaires de choix pour la recherche appliquée, orientée selon des problématiques concrètes dans un mode de résolution de problème. Pour se faire connaître, les CAT doivent recruter des entreprises via le démarchage direct (ex. visites d’entreprises, cold calls, etc.), le référencement par des tiers (ex. les conseillers en technologie industrielle du Programme d’aide à la recherche industrielle (PARI)), la participation à des congrès / colloques technico-commerciaux, la présence sur les réseaux sociaux, la publicité web, etc. Ces efforts marketing sont nécessaires pour permettre le développement de relations porteuses entre les CAT et leur clientèle.
Réseautage collaboratif
Une composante essentielle du système des CAT et leur fonctionnement en réseau. Un CAT est un centre spécialisé dans un domaine d’activité spécifique, cependant les besoins des entreprises sont souvent multidisciplinaires et requièrent l’accès à des expertises complémentaires. Parfois même, les besoins du client se retrouve à l’extérieur du champ de compétence du CAT local. C’est là que tout le pouvoir du réseau des CAT devient essentiel.
Les CAT ont développé au fil des ans une connaissance mutuelle, une confiance réciproque et des pratiques qui facilitent le référencement et la collaboration. Ce réseautage fait en sorte de permettre à un client, où qu’il soit au Canada, en zone urbaine ou rurale, d’avoir accès à toutes les ressources de tous les CAT de l’entièreté du pays. Force est de constater qu’il est atypique de voir une PME de tisser des liens avec un centre de recherche localisé à des milliers de kilomètres de distance. La présence d’un TAC dans son environnement local pourra cependant lui permettre de réduire cette distance par un référencement crédible vers cette ressource qui est pertinente à ses activités, même si elle est éloignée.
La construction d’un réseau pancanadien demande de l’implication, de la volonté, de la constance et des investissements par tous et chacun, mais la force et l’efficacité d’un réseau semblable en vaut la peine. Basé sur les succès observés de ce type de réseautage des Centres collégiaux en transfert technologique (CCTT) au Québec, nous croyons qu’il est possible de développer cette même force mobilisatrice d’innovation partout au Canada et dans tous les domaines critiques nécessaires pour assurer le développement et la compétitivité de la société canadienne.
3 Financement
Les CAT soutiennent l’innovation au sein des PMEs qui n’ont pas les moyens d’investir dans la recherche et le développement. Dans ce contexte des investissements gouvernementaux sont essentiels car ces fonds diminuent le risque financier et technologique des projets d’innovation des PMEs. Il est illusoire de considérer qu’un CAT puisse autofinancer ses activités à 100% Autrement dit, le financement dont disposent les CAT agit comme catalyseurs d’innovation dans l’industrie. Compte tenu de leur contribution au développement des compétences, de l’économie et des retombées tant localement que nationalement, il est pertinent que le financement des CAT provienne de différentes sources. Pour mener à bien leur mission, les CAT ont besoin de 3 types de financement :
- Financement de base qui sert à assurer la gouvernance, le développement des affaires et le cadre de responsabilisation. Ce financement est important (par exemple 500k$), octroyé sur une période de 5 ans, et renouvelable. Il assure la pérennité et le développement du Centre.
- Financement de projets qui sert à initier des collaborations avec l’industrie et l’atteinte de buts spécifiques. Les montants de ces subventions est variable, ainsi que la durée des projets.
- Financement d’infrastructures qui permet de bâtir des installations de recherche appliquée avec les équipements clés qui permettront au Centre d’atteindre sa mission. Ces subventions représentent des investissements très importants (millions de dollars).
Cela dit, les entreprises privées doivent également contribuer financièrement aux services des CAT, même si leur situation financière est souvent précaire pour plusieurs raisons. Par exemple, elles sont au stade du démarrage, n’ont pas encore de revenus et sont financées par des capitaux de risque. Puisqu’un des objectifs des CAT est de stimuler l’innovation ainsi que les dépenses de recherche et développement (DIRDE) des entreprises privées, celles-ci doivent investir minimalement 20% des coûts de projet par une contribution en espèces. Leur contribution en nature est également importante, car on recherche des collaborations dans lesquelles les entreprises investissent du temps et d’autres ressources.
4 Évaluation de la performance
Critères d’évaluation
Il est primordial de définir les principaux critères d’évaluation de la performance qui serviront de base pour évaluer le potentiel d’un nouveau CAT ou la performance d’un CAT existant. Ces critères comprennent trois composantes principales, d’importance égale, soit la valeur ajoutée, la capacité et l’impact, qui sont chacun déclinées en trois sous-critères. Vous trouverez en annexe, une liste de 28 indicateurs de mérites proposés pour quantifier ces critères de performance.
Valeur ajoutée
Le premier aspect à considérer pour évaluer la pertinence d’un CAT, est les retombées potentielles en innovation en réponse à des priorités de la société, des gouvernements et de l’industrie régionale. Il est judicieux de demeurer à l’affut des tendances, des études de besoins, et également de consulter les agences de développement économique, les experts du domaine et les entreprises privées. La méthodologie utilisée pour répertorier les lacunes à combler constitue la première justification d’investir dans une initiative de recherche appliquée donnée et de la développer selon le modèle des CAT. C’est d’ailleurs le développement de capacités d’innovation qui rend les communités prospères, selon Dan Breznitz. Une fois les besoins identifiés, il faut être en mesure de décrire quels sont les services offerts qui permettront d’y répondre efficacement en définissant les domaines de spécialisation. Pour ce faire, il est logique de se baser sur les expertises du personnel et les infrastructures de recherche disponibles, mais également d’indiquer de quelle façon les expertises nouvelles seront ajoutées. Dans la définition de l’offre de services, une attention particulière doit être portée sur l’assurance que ces services ne soient pas en concurrence avec le secteur privé, car ceux-ci seront en partie subventionnés. Finalement, on voudra faire état des collaborations avec d’autres Centres de recherche partenaires, et de démontrer de quelle façon les services sont complémentaires. Le modèle des CAT vise à créer des synergies qui seront bénéfiques pour l’innovation canadienne.
Capacité
Bien que plusieurs modèles existent, un CAT doit être constitué d’une équipe établie d’une part, de personnel de gestion, en développement des affaires et en marketing, et d’autre part, de personnel de recherche et technique, le cas échéant et de professeurs spécialisés dans le domaine d’expertise du CAT. On doit donc être en mesure de présenter un organigramme du personnel et leurs rôles et responsabilités. Ensemble, ces personnes doivent détenir les compétences entrepreneuriales, académiques et techniques pour assurer le développement stratégique, le développement et la gestion des projets et des services, la gestion des opérations, la livraison des services et la formation de la relève. Le CAT doit également disposer de locaux dédiés à ses opérations et une infrastructure de recherche qui comprend des équipements spécialisés qui assurent l’offre de service unique, dans le cas de la recherche appliquée technologique. Finalement, afin de réaliser un de ses mandats de contribuer à former une main d’œuvre qualifiée, les activités du CAT doivent être intimement liées aux programmes académiques collégiaux dans ce domaine d’activité et prévoir l’inclusion d’étudiants(tes) dans les équipes de recherche.
Impact
En tant que fournisseur de services, un CAT performant jouera le rôle de hub d’innovation pour un ensemble d’entreprises privées, d’organismes communautaires et autres partenaires œuvrant dans son domaine d’expertise, à l’échelle locale et régionale dans les premières années, mais s’élargissant à l’échelle canadienne et même à l’international, au fil des ans, au fur et à mesure que les services se spécialiseront et seront reconnus. Plusieurs mesures d’impact existent pour évaluer les retombées d’un partenariat de recherche CAT-industrie, tels que : stabilité et croissance de l’entreprise, développement de prototypes, produits, procédés ou services, accroissement de la technologie sur l’échelle de maturité technologique, accélération de la commercialisation, protection de propriété intellectuelle, recrutement de finissants du collège et publications de rapports techniques. Pour les CAT œuvrant en innovation sociale, d’autres indicateurs de performance doivent être utilisés. Les CAT, en tant que Centre de recherche affiliés au collèges canadiens, devront bénéficier d’une aide gouvernementale de base pour assurer les opérations et d’occasions de financement pour les projets spécifiques. De plus, les partenaires devront contribuer financièrement dans les services de soutien en innovation qu’elles bénéficient. Cela étant dit, les CAT doivent viser un effet levier minimal ayant un facteur de 1, en espèces, par rapport à la subvention de base. On observe d’ailleurs que le facteur augmente avec la maturité des CAT. Finalement, la formation de la relève collégiale que ce soit par l’incorporation de projets de recherche dans le curriculum, de l’embauche de stagiaires en recherche ou pour la prestation des services du Centre, favorise le développement de compétences techniques propres à la discipline et de compétences transversales (créativité, esprit entrepreneurial, collaboration) recherchées sur le marché du travail.
Processus d’évaluation
Évaluation de la performance d’un CAT
Les critères d’évaluation de la performance d’un CAT vis-à-vis de sa mission étant bien définis, il revient au collège-hôte de proposer, selon la liste des indicateurs de mérite, quelles sont les cibles à atteindre annuellement sur une perspective de 5 ans. À chaque année, un bilan de la gouvernance, des ressources, des activités et des indicateurs de mérite est présenté dans un rapport annuel fournissant l’information pertinente démontrant les activités réalisées permettant l’atteinte des objectifs selon les 3 critères d’évaluation principaux. Par exemple, on pourra faire état des principaux développements en matière d’orientation stratégique, d’offre de services et de collaborations avec d’autres centres de recherche. De plus, le rapport présentera l’évolution de l’équipe, des infrastructures de recherche et de la synergie avec les programmes académiques. Finalement, pour décrire les impacts, il serait opportun de présenter des histoires de partenariats gagnants et décrire les activités de formation de la relève.
Il est proposé que l’évaluation formelle du CAT soit effectuée sur une période quinquennale sur présentation :
- des rapports annuels et des plans d’action, d’un bilan quinquennal et d’un plan stratégique, d’états financiers et de budgets prévisionnels;
- de données quantitatives sur des indicateurs généraux liés à la mission générale d’un CAT (ex. nombre d’étudiants stagiaires, nombre de projets en cours, volume de recherche $, volume d’investissement en infrastructures, nombre de personnel de recherche, etc.)
De plus, si on organisme choisi d’appuyer les CAT pour favoriser la réalisation d’un élément de leur mission (retombées sur la formation, retombées pour le développement économique, retombées pour le développement social), le CAT doit savoir au préalable quelles sont les intérêts et les attentes spécifiques de l’organisme d’appui à son égard. Par ailleurs, si l’organisme d’appui a des attentes en tant que reddition de compte supplémentaires à ce qui est prévu dans la reddition de compte liée à la mission générale d’un CAT, ceux-ci devraient être spécifiés. L’organisme d’appui devrait avoir identifié des livrables minimaux clairs à atteindre, par exemple :
- des données quantitatives sur des métriques spécifiques et utiles à l’organisme;
- l’atteinte de critères de performance spécifiques et quantifiés, par exemple un effet de levier de l’aide reçue.
Méthode d’évaluation
L’évaluation de la performance d’un CAT devrait être objective et s’inscrire dans une démarche à long terme dans un mode l’amélioration continue. Pour cela, le processus d’évaluation devrait être piloté par une instance experte, continue et stable, mandatée et reconnue par les organismes d’appuis pour assurer le développement et le maintien d’un système de CAT cohérent et performant répondant le mieux aux besoins des Canadiens. À noter que nous sommes d’avis que ce rôle ne devrait pas être confié à un comité de pairs ad-hoc, tel qu’utilisé généralement pour évaluer des projets scientifiques. Une vision d’ensemble du système, de ses forces et faiblesses ainsi qu’une compréhension des meilleures pratiques observées ailleurs dans le système est nécessaire afin d’offrir la rétroaction utile et pertinente pour amener un CAT à aller de l’avant et à s’améliorer constamment. Qui plus est, les CAT existants devraient pouvoir bénéficier de soutien à divers égards pour assurer leur amélioration continue et maximiser les retombées des investissements des fonds publics et privés sur le long terme.
Nous recommandons qu’un centre accrédité demandant le renouvellement de sa reconnaissance soit évalué individuellement et non mis en compétition avec d’éventuels candidats. Un centre doit être en mesure de démontrer sa pertinence continue et son impact dans son créneau d’expertise, son industrie, sa région et démontrer sa progression constante dans le temps.
Évidemment, un CAT n’offrant pas la performance souhaitée pourrait se voir renouvelé conditionnellement ou même pour une durée moindre, dans l’attente du redressement de la situation. Enfin, un centre qui manquerait à corriger une situation problématique portée à son attention lors d’un processus d’évaluation ou ne rencontrant pas les objectifs de façon continue à la suite d’un tel avertissement pourrait se voir retirer son statut de CAT, pour le bien commun et le maintien de la qualité du système des CAT dans son ensemble.
5 Les retombées pour le Canada
L’importance des investissements en R-D
Le Canada compte plus d’un million d’entreprises privées, dont 97,9% sont des petites entreprises de moins de 100 employés. Des études récentes de Statistique Canada et du ministère Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) ont démontré les impacts positifs pour les PME qui investissent dans des activités de R&D et d’innovation. En effet, ces entreprises connaissent une meilleure croissance et durabilité que celles qui n’investissent pas. De plus, les PME qui détiennent de la propriété intellectuelle (PI) ont plus de chances d’être innovantes, d’exporter leurs produits et de connaître une forte croissance.
Les PME n’ont pas toujours les ressources pour investir dans la R-D, et par conséquent détenir de propriété intellectuelle. Ce contexte limite leur capacité à innover et à se développer. En tant que principaux clients des CAT, ces entreprises aspirent à l’innovation et à la croissance et c’est pour cela qu’elles ont besoin d’accéder aux installations, à l’équipement et à l’expertise des CAT. Au fil du temps, elles se développeront et prendront de l’ampleur au point de pouvoir maintenir des activités de R-D internes sans l’aide des CAT. Le rôle du CAT est de les accompagner dans cette démarche et de les mettre sur la voie du succès.
Ce que les CAT peuvent apporter
Les CAT exploitent un modèle unique au sein de l’écosystème d’innovation canadien leur permettant d’offrir de précieux avantages économiques et sociaux pour le Canada: commercialisation d’innovations canadiennes, croissance des exportations, création de richesse, formation de la main-d’œuvre, stages d’étudiants et optimisation des investissements publics dans les talents et les infrastructures de recherche. Mais à l’heure actuelle, ces avantages sont limités par un déséquilibre de la capacité des CAT : la demande dépasse de loin l’offre de ces centres. Cependant, un réseau de CAT solide contribuerait à relever les défis économiques auxquels le Canada est confronté, et à équiper tous les Canadiens pour qu’ils puissent prospérer dans une économie mondiale en mutation.
L’année dernière, les 60 CAT ont servi près de 4 200 entreprises (voir tableau 1). Notre analyse montre que l’augmentation des subventions de base des CAT à 500 000 dollars par an pour l’ensemble des 60 centres entraînerait d’ici deux ans:
- Une augmentation de 140 % du nombre d’entreprises du secteur privé desservies chaque année par les CAT, pour atteindre 10 000.
- Une augmentation de 100 % du nombre d’étudiants engagés dans les services fournis par les CAT (des collèges et des universités), passant à 4 600.
- Une augmentation de 100 % des dépenses du secteur privé pour les services fournis par les CAT, pour atteindre au moins 120 millions de dollars.
Il est présentement estimé qu’au moins 30 collèges canadiens ont démontré une capacité de recherche appliquée d’envergure qui justifierait leur inclusion dans le réseau des CAT. Avec près de 55 millions de dollars investis dans les collèges non affiliés aux CAT au cours des quatre dernières années pour des initiatives de renforcement de la capacité en recherche appliquée et pour la mise sur pied d’infrastructures de pointe, nous pensons que le secteur collégial a démontré un niveau d’excellence qui permettrait au Canada, dès maintenant, de disposer d’un réseau d’au moins 100 Centres d’accès à la technologie travaillant ensemble pour soutenir les PME à relever leur défi en matière d’innovation.
Notre analyse justifie la raison d’être d’un réseau de 100 CAT développé au cours des cinq prochaines années partageant une vision commune et fonctionnant selon un modèle reconnu, qui serait en mesure d’aider chaque année 20 000 PME canadiennes et organismes à relever leurs défis en matière d’innovation. Ces PME canadiennes supplémentaires investissant dans la R-D des entreprises chaque année contribueraient à accroitre les investissements en recherche et développement et générer un retour sur l’investissement important grâce à l’augmentation du PIB par habitant.
Tableau 1. Résultats du modèle des CAT selon les données réelles en 2018 et 2021, ainsi que des projections selon deux scénarios.
Nombre de CAT | Nombre d’entreprises desservies
(par an) |
Nombre de stages d’étudiants
(par an) |
Valeur des activités d’innovation
(par an) |
Dépenses en R-D des partenaires
(par an) |
|
Données réelles | 30 (2018) | 1 967 | 988 | 23M$ | 13M$ |
60 (2021) | 4 161 | 2 353 | 57M$ | 31M$ | |
Projections | 60* (@500k$) | 10 000 | 4 600 | 120M$ | 63M$ |
100* (@500k$) | 20 000 | 9 000 | 200M$ | 105M$ |
6 Recommandations
- Que le développement du système des CAT soit orienté en fonction des enjeux supérieurs :
- réponse aux priorités gouvernementales,
- couverture des différents secteurs industriels,
- répartition géographique,
- non-duplication (thème de recherche et géographiquement).
- Que l’évaluation des CAT soit confiée à une instance experte, continue et stable, mandatée par les différents organismes d’appuis pour assurer le développement et le maintien d’un système de CAT cohérent et performant répondant le mieux aux besoins des Canadiens.
- Que le financement de base des CAT soit rehaussé à 500k$ / année.
- Que le nombre de CAT soit augmenté à 100.
- Que l’évaluation des CAT soit établie dans un mode d’amélioration continue selon une vision évolutive et pérenne.
- Que l’innovation sociale soit incluse dans la mission des CAT.
- Que les décideurs politiques protègent les éléments clés de la conception du programme qui font des CAT une innovation exclusivement canadienne.
- Que le développement des talents en matière d’innovation, tant au sein des institutions postsecondaires que de l’industrie, soit un élément important du modèle des CAT.
7 Bibliographie
- Évaluation du système des CCTT du Québec. https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/economie/publications/evaluation-organismes-finances/evaluation-dispositif-centres-collegiaux-transfert-technologie-2019
- Manuel d’Oslo. https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/c76f1c7b-fr.pdf?expires=1655394663&id=id&accname=guest&checksum=3B94C4A374A7F426183C4E4BAFD183E1
- La mesure des activités scientifiques et technologiques. https://www.oecd.org/fr/sti/inno/2367554.pdf
- Enquête sur l’innovation et les stratégies d’entreprise, 2017 à 2019 https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/210426/dq210426a-fra.htm
- Mesurer l’innovation, un nouveau regard. https://read.oecd-ilibrary.org/science-and-technology/mesurer-l-innovation_9789264084421-fr#page6
- Does national culture affect corporate innovation? International evidence. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0929119920302911
- https://www.ic.gc.ca/eic/site/061.nsf/eng/h_03147.html#how-SME (lien BRISÉ)
- R&D Tax Incentives: Canada, 2021, OECD. https://www.oecd.org/sti/rd-tax-stats-canada.pdf
- Innovation and Business Strategy: Why Canada Falls Short https://cca-reports.ca/wp-content/uploads/2018/10/2009-06-11-innovation-report-1.pdf
- https://ised-isde.canada.ca/site/sme-research-statistics/en/research-reports/canadian-start-ups-growth-and-scale-transitions (lien BRISÉ)
- https://ised-isde.canada.ca/site/sme-research-statistics/en/survey-data-and-analysis/survey-financing-and-growth-small-and-medium-enterprises/summary-survey-financing-and-growth-small-and-medium-enterprises-2020 (lien BRISÉ)
- https://ised-isde.canada.ca/site/sme-research-statistics/en/research-reports/canadian-high-growth-smes-and-their-propensity-invest-rd-and-export/canadian-high-growth-smes-and-their-propensity-invest-rd-and-export (lien BRISÉ)
8 Annexe 1
Indicateurs de performance annuels
Critères | Indicateur |
· Valeur ajoutée | 2.1 Priorités de la société
2.2 Entreprises privées 2.3 OBNL 2.4 Secteur public 2.5 URL site internet des services offerts 2.6 URL médias sociaux 2.7 Collaborations en cours avec des centres de recherche 2.8 Référencement vs d’autres centre de recherche |
· Capacité | 3.1 Personnel scientifique et technique (nombre de personnes et ETC)
3.2 Personnel de gestion et administratif (nombre de personnes et ETC) 3.3 Professeurs (nombre de personnes et ETC) 3.4 Valeur cumulative des infrastructures de recherche 3.5 Programmes académiques |
· Impact | 8.1 Projets de recherche appliquée
8.2 Offres de services 8.3 Activités de formation 8.4 Activités de promotion et d’information 8.5 Prototype/produits/procédés 8.6 Nouveaux produits commercialisés 8.7 Produits commercialisés améliorés 8.8 Emplois créés chez les clients 8.9 Revenus provenant des entreprises privées 8.10 Revenus provenant des OBNL 8.11 Revenus provenant du secteur public 8.12 Revenus de subventions provinciales 8.13 Revenus de subventions fédérales 8.14 Facteur effet levier 8.15 Étudiants embauchés (nombre de personnes et heures) 8.16 Étudiants formation (nombre de personnes et heures) |
[1] https://www.wipo.int/edocs/pubdocs/en/wipo-pub-2000-2022-en-main-report-global-innovation-index-2022-15th-edition.pdf